Dans une émission spéciale intitulée « Le débat public : " le Bénin face à la cherté de la vie" », le ministre de l’Economie et des Finances Romuald Wadagni a déclaré qu’il n’y a eu aucune hausse en montant sur les impôts. Cette déclaration passée sur la télévision nationale dimanche 03 avril 2022 et reprise par plusieurs médias n’est pas tout à fait correcte.

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Capture d'une reprise de la déclaration du ministre Romuald Wadagni sur Facebook 

Les impôts ont-ils connu une hausse au Bénin ? A en croire le ministre de l’Economie et des Finances Romuald Wadagni, c’est non. L’argentier national a été affirmatif à ce sujet dans l’émission spéciale de débat public diffusée sur la télévision nationale ORTB, la chaîne privée Canal 3 et sur les plateformes digitales du gouvernement.

  • « Aucun impôt n'a connu une hausse en montant », a déclaré Romuald Wadagni qui assure dire « la réalité des choses ». (Voir la vidéo 1"16"00 ).

Pourquoi cette affirmation ? Invité VIP de l’émission, le ministre Romuald Wadagni devrait expliquer aux Béninois les causes de la cherté de la vie.  Entre autres, il a tenu à ôter des esprits l’idée selon laquelle l’Etat aurait augmenté les impôts et de ce fait aurait provoqué une cherté de la vie. C’est ce que relèvent des médias comme Banouto dans leurs compte-rendu.

  • « Cherté de la vie : Wadagni dément la hausse des impôts en montant », a d’ailleurs titré le quotidien L’Evènement précis.
  • « Le ministre de l’Economie n’a pas manqué d’aborder la question des impôts. Pour le Béninois lambda, ce sont les taxes qui ont augmenté. Une rumeur que dément Romuald Wadagni », a également écrit Financial Afrik dans le même angle de vue.
  • Sur les réseaux sociaux, la déclaration est reprise en boucle suscitant de nombreuses réactions d’acquiescement et de rejet.

A tort ou à raison ? La déclaration du ministre de l’économie et des finances a aussi suscité une vérification à Bénin Check Info. Son affirmation n’est pas vraie à tout point de vue.

En consultant les versions officielles 2021 et 2022 du code général des impôts, il ressort que des mesures prises dans le code actualisé entraîne pour les uns une augmentation en montant d’impôts pendant que d’autres jouissent d’une réduction.

TPS en hausse. Au niveau de la taxe professionnelle synthétique, il est à relever que le taux d’imposition est passé de 2% du chiffre d’affaires en 2021 à 5% en 2022. 

  • Article 1084-21 du code général des impôts version 2021 : « La taxe professionnelle synthétique due par les micros entreprises est déterminée par application d’un taux de 2% au montant du chiffre d’affaires réalisé, quelle que soit la nature de l’activité »
  • Article 183 du code général des impôts, version 2022. « La taxe professionnelle synthétique est déterminée par application au montant des recettes annuelles, d’un taux de 5% ».
  • Le ministre a joué sur le terme « montant ». Le taux n’étant appliqué qu’au montant à prélever, c’est donc du pareil au même. Le relèvement du taux induit une hausse de la TPS.

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Sur les salaires. De nouvelles dispositions prises ou des réajustements faits dans le nouveau code induisent des hausses d’impôts chez des salariés en même temps que d’autres bénéficient de réduction ou d’un statu quo.

Jusqu’en 2021, le code dispose que des fonctionnaires ayant à charge des enfants bénéficient d’une réduction d’impôts. Cette réduction qui varie de 5 à 23 % selon le nombre d’enfants à charge n’existe tout simplement plus dans la version 2022.

« l’ITS (Impôts sur le traitement salarial, ndlr) a augmenté pour tous les travailleurs qui bénéficiaient de la réduction en fonction du nombre d’enfant et leurs salaires ont diminué. C’est ainsi que tous les travailleurs ayant à charge un nombre d’enfant supérieur ou égal à deux ont vu leurs salaires diminuer », relève le syndicaliste Alexandre Adjinan dans un décryptage pour le journal Fraternité. A l’application de cette disposition, la CSBT, une des organisations syndicales du Bénin a dénoncé  des réductions de 500 à 70.000 CFA sur les salaires de janvier 2022.

Le porte-parole du gouvernement Wilfried Léandre Houngbédji et le directeur général des impôts Nicolas Yenoussi s’accordent pour dire que cette suppression est la correction d’une injustice faite aux femmes salariées qui ne jouissaient pas de cet abattement d’impôt jusqu’alors, exclusivement accordé aux hommes.  

On reste sur les salaires. Dans le nouveau code le gouvernement a entrepris de réaménager l’impôt sur le salaire. Le montant du salaire non imposable est passé de 50.000f à 60.000f. Les taux de prélèvement de l’impôt ont été également revus en fonction des tranches de salaire. 

  • Dans le nouveau code, il se présente comme suit :

- 0% pour la tranche inférieure ou égale à 60 000 francs CFA ;

- 10% pour la tranche comprise entre 60 001 et 150 000 francs CFA ;

- 15% pour la tranche comprise entre 150 001 et 250 000 francs CFA ;

- 19% pour la tranche comprise entre 250 001 et 500 000 francs CFA ;

- 30% pour la tranche supérieure à 500 000 francs CFA.

  • Pour ce qui est de l’ancien code les taux de prélèvement donnent :

- 0 % pour la tranche inférieure ou égale à 50.000 francs ;

-10 % pour la tranche comprise entre 50.001 et 130.000 francs ;

-15 % pour la tranche comprise entre 130.001 et 280.000 francs ;

-20 % pour la tranche comprise entre 280.001 et 530.000 francs.

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On compare. Les comparaisons des deux barèmes montrent une disparité dans les effets indus.  « Les travailleurs dont les montants des salaires sont compris entre 250.001f et 280.000f ont vu leurs salaires diminuer parce qu’ils se trouvent désormais dans la tranche des 19% au lieu de 15%. » et « les travailleurs dont les montants des salaires sont compris entre 500.001 et 530.000f ont vu leurs salaires diminuer parce qu’ils se trouvent désormais dans la tranche de 30% au lieu de la tranche des 20% précédemment appliquées. », relève le syndicaliste Alexandre Adjinan.

D’avis d’expert. Ces observations sur les impôts sur le salaire sont bien justes selon l’expert en Finances publiques et fiscalité, Dr Ben Aymar Binassoua.

  • « Il faut nuancer les propos », a déclaré à Benin Check Info le chercheur associé au Centre d’Études Fiscales et Financières/France et au Centre d'Etudes et de Recherches sur l'Administration et les Finances.
  • « Sur les salaires, à partir de 500.000 F on est passé à 30% de prélèvement mais, désormais de 0 à 60.000 F on est exonéré. Et donc, ça vient compenser un peu. Ça dépend de la catégorie dans laquelle on se retrouve », analyse Dr Binassoua.

Ici et là. Cette observation est également valable pour la taxe foncière. L’ancien système de calcul de la taxe foncière dispose de deux taux à savoir 10% pour les revenus annuels de moins de 3 millions FCFA et 20% pour les revenus annuels de plus de 3 millions FCFA. Le nouveau code en vigueur en 2022 établit un taux unique de 12%. Autant cela marque une réduction de 08% pour les uns, autant pour d’autres, c’est une hausse de 02%.

Conclusion. En affirmant qu’« aucun impôt n'a connu une hausse en montant », le ministre de l’économie et des finances Romuald Wadagni a fait économie de vérité. Il existe bel et bien une hausse d’impôt en montant par le réajustement des taux même si des réductions sont notées pour certaines catégories de personnes et d’entreprises.

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